Sac de farine sous le bras, nous vous avions donné rendez-vous pour une journée de panification dans l’atelier de la boulangerie du Comptoir Paysan de Beauraing, situé tout à côté de notre territoire. Accueillis par Xavier, le « maître boulanger des lieux », c’est avec une certaine excitation qu’une petite dizaine de personnes se sont retrouvés afin de tester notre farine mais également pour en apprendre davantage sur le savoir-faire boulanger. Pour animer cette journée, nous avons eu la chance d’être encadrés par deux professionnels passionnés : Caroline Baltus, boulangère originaire d’Erezée et Axel Colin, boulanger au moulin d’Odeigne à Manhay mais également membre fondateur de l’ASBL Li Mestère.
Comment résumer cette journée en quelques lignes ? C’est, à vrai dire, un réel défi !
Allant de la semence, au pain, les sujets abordés nous ont permis d’en apprendre davantage sur :
- l’intérêt des variétés anciennes de céréales ;
- les enjeux du type de mouture choisi
- la fameuse « problématique » du gluten ;
- la panification au levain ;
- …et bien d’autres sujets.
Parallèlement, nous avons pu pratiquer : le mélange des ingrédients, l’expérience du vivant par le travail au levain, le boulage, la mise en cuisson et bien-sûr, la dégustation !
Qu’est-ce que cela nous a appris ? Un tas de choses !
Tentons un petit résumé…
Axel et Caroline nous ont tout d’abord retracé brièvement l’histoire et l’évolution des céréales. Sans entrer dans trop de détails, on y apprend que les sélections successives exercées par l’homme sur les céréales ont été guidées par des besoins technologiques, il fallait pouvoir :
- cultiver et récolter plus facilement le grain, en obtenir le meilleur rendement possible sur des surfaces toujours plus grandes ;
- faire de ces grains, de la farine « forte » qui permettait un travail mécanique des pâtes à pain.
Au fil des années, cette sélection a appauvri la diversité des céréales retrouvées dans nos champs et in fine dans nos assiettes. Tout ceci, au détriment également des qualités nutritionnelles et gustatives des pains qui en découlent.
En marge de cette expansion, plusieurs réseaux de producteurs-boulangers-passionnés ont toujours eu à cœur de préserver ce que l’on appelle les semences paysannes et « mélanges populations ». Si l’on résume cela grossièrement : ces réseaux privilégient la sélection de semences adaptées aux conditions pédoclimatiques des terres de l’agriculteur avec des champs qui présentent une multitude de variétés de céréales plutôt qu’une lignée dite « pure ». Année après année, le producteur récolte, en plus de ses grains, une série d’observations basées sur l’évolution du comportement de ces diverses variétés sur ses terres. Ces mélanges de variétés de céréales permettent une meilleure adaptabilité de celles-ci à leurs conditions de vie : moins de compétitivité pour les nutriments du sol car les besoins exprimés ne sont pas semblables par exemple. Les rendements sont plus faibles que les cultures plus modernes mais on observera une plus grande stabilité de ceux-ci à long terme. Côté nutritionnel, les variétés anciennes sont généralement mieux tolérées par les personnes sensibles au gluten car elles en présentent à des niveaux moindres et parce que celui-ci y est présent sous une forme moins complexe à traiter par notre organisme lors de la digestion.
Voici donc une part des enjeux liés aux semences et aux variétés de céréales … et qu’en est-il de ceux liés à la panification alors ? Nous y venons …
Pour passer de la farine au pain, nous avons besoin en plus : d’eau, de sel et d’un « ferment » qui permet faire lever la pâte : de la levure ou du levain. La levure est un mélange de différents champignons, le levain est davantage plus complexe puisqu’il est composé d’un mélange symbiotique de levures et de bactéries lactiques. Les deux (levure et levain) réalisent une fermentation mais qui n’est pas du même type : alcoolique pour la levure, lactique pour le levain. La fermentation est le processus par lequel les organismes vivants (présents dans la levure ou le levain) en se nourrissant des glucides présents dans la farine produisent du gaz carbonique qui permet de faire lever la pâte avant la cuisson de celle-ci.
Axel et Caroline nous ont décrit les avantages du levain et d’une panification lente, notamment pour la réalisation de pain à base de farine complète ou intégrale. En effet, en plus de l’amidon et du gluten que l’on retrouve dans la farine blanche, les farines complètes ou intégrales contiennent en proportions diverses une partie du germe et des enveloppes (son pour le blé) du grain. Au sein de ces enveloppes, on retrouve un acide (l’acide phytique) qui, une fois présent dans notre intestin va se lier à certains minéraux de notre corps au risque de causer quelques carences. Contrairement à la levure, le levain dispose des « ciseaux » (enzymes nommées phytases) qui permettent de couper ces liaisons et d’empêcher la carence en minéraux. Plus on laisse un temps de fermentation à la pâte au levain, plus on retrouvera en quantité ces enzymes.
Parmi d’autres avantages d’un pain au levain, on citera également la meilleure conservation de celui-ci (en retardant l’apparition de moisissures).
Place à la dégustation…
Après le travail de la pâte et la cuisson, nous avons fait place à la dégustation. Comme pour notre farine (cf. notre article sur le sujet), un brin de frustration se dégage puisque le pain reflète l’odeur identifiée dans celle-ci quelques jours plus tard … Malgré cela, l’expérience en valait la peine ne fusse que pour cette mise en pratique et expérience sensorielle d’un savoir-faire ancestral qui s’était perdu mais qui revient en force.
Pour conclure…
Caroline et Axel, en alternant pratique et notions « théoriques », nous ont transmis un aperçu des bases de la boulangerie artisanale et authentique. Pour construire une filière telle que nous sommes en train de la mettre en place, il est primordial de veiller à une cohérence globale. Depuis la question de la semence jusqu’à la panification en passant par celle de la mouture : si l’on souhaite que tout se tienne, prenne un sens et amène à un pain de qualité, il faut soigner chacune de ces étapes et y faire les « bons » choix.