Le jeudi 6 octobre dernier, une délégation composée de membres de la Fondation Cyrys, du Réseau Radis et de la fondation Chimay Wartoise, s’est rendue à Loos-En-Gohelle, une ville en Transition, pour s’inspirer de quelques belles idées qui pourraient peut-être être transposées chez nous.

Cette commune de 7.000 habitants située dans le bassin minier du Pas-de-Calais, est aujourd’hui connue en France, en Europe et dans le monde comme une référence en matière de transition écologique et sociale :  écoconstruction, sécurité énergétique, bien-vivre ensemble, agriculture biologique, environnement et urbanisme.

Cette ville “pilote” du développement durable a pourtant subi un choc socio-économique majeur dans les années 80, lié à la fermeture des dernières mines, ce qui ne prédestinait pas Loos-En-Gohelle à une telle notoriété. Alors comment l’expliquer ? Comment, concrètement, la ville est-elle passée “du noir au vert” ? Est-ce réplicable, ou propre au contexte local ?

Nous commençons notre visite par une présentation officielle à la Mairie de Loos-En-Gohelle.

 

La culture, premier levier de transformation du territoire

La réappropriation de leur histoire a été fondamentale pour amorcer la transition et le changement.

Après la fermeture des mines, les élus ont commencé un long travail de prise en charge collective de reconquête identitaire.

Effectivement, on ne peut pas construire un nouveau modèle sans estime de soi. Le travail de mémoire a permis de mettre en avant les valeurs populaires du territoire dont les habitants pouvaient être fiers : solidarité, travail, sens de la fête, …

D’autre part, la mise en place de projets culturels et artistiques participatifs a permis de créer du lien et de la cohésion sociale au sein de la ville. Les citoyens ne sont pas de simples spectateurs mais des acteurs et actrices de la vie culturelle locale.

Parmi les actions culturelles et mémorielles mises en place, celles à retenir sont l’organisation du festival populaire des Gohelliades dès 1984, l’organisation de spectacles participatifs de sons et lumières, la rédaction par des historiens amateurs d’un ouvrage sur l’histoire de Loos et le tournage d’un film en Super 8 sur la ville.

La commune s’appuie de manière forte et déterminée sur l’implication citoyenne, qu’elle identifie comme un pilier majeur de sa stratégie de conduite du changement.

 

La concertation sans implication, piège à con !

La concertation habitante et la co-construction sont au cœur de la démarche de la ville de Loos-en-Gohelle depuis les prémices de sa politique de développement durable. La participation garantit l’accord, l’adhésion du plus grand nombre, l’ancrage dans la réalité et l’efficacité.

Les initiatives individuelles ou collectives sont encouragées. Elles se retrouvent dans tous les domaines et dans tous les quartiers, ce qui a généré dans la ville une dynamique spécifique, ainsi qu’une forte mobilisation de la population, réputée pour la qualité et le nombre de ses bénévoles.

Parmi les dispositifs encourageant les initiatives participatives, la municipalité a mis en place un programme « fifty-fifty » : un groupe d’habitants, une association, une école saisit la commune pour une action d’amélioration du cadre de vie (plantations d’arbres…). La commune soutient financièrement et techniquement le projet, mais la réalisation ou la gestion est effectuée par (ou avec) les demandeurs. Par exemple, une association de quartier souhaite améliorer le fleurissement de sa rue. Elle saisit la commune qui fournit les jardinières et les fleurs, l’association se chargeant de l’arrosage et de l’entretien.

 

Une innovation, c’est une désobéissance qui a réussi

Pour oser changer de modèle, il faut commencer par désobéir à la pensée unique et pour cela il est nécessaire de créer un cadre de sécurité collective faute de quoi aucune initiative ne naitra ! Voilà un bon conseil qui termine notre visite de à la Mairie.

Nous nous baladons au sein de la ville à la découverte de quelques projets de reconversion écologique visibles dont l’église avec son toit couvert de panneaux photovoltaïques. Cette source d’énergie renouvelable produit aujourd’hui de quoi alimenter 12 foyers en électricité.

 

Les tables de Cocagne, l’insertion au service du circuit court

Il est temps maintenant d’aller manger. A deux pas de la Mairie, nous sommes reçus à La Table de Cocagne du Menadel/St Hubert. Le restaurant permet l’insertion de personnes éloignées de l’emploi. Nos plats sont cuisinés à partir de légumes cultivés sur leurs sites maraichers certifiés en agriculture biologique ou produit par leurs producteurs partenaires bio locaux.

Ce sont Les Anges Gardins qui opèrent ce tiers-lieu nourricier. Cette association développe des activités pour l’insertion, l’éducation permanente, le développement de nouvelles pratiques sociales et d’activités liées à l’alimentation. Leurs objectifs sont :

– Favoriser l’accès aux savoir-faire de base en matière d’autoproduction : manuel du jardinier/ du cuisinier sans moyens, formation d’Ambassadeurs du jardinage et du bien vivre alimentaire, ateliers de consommation responsable expérimentaux
– Créer de nouvelles opportunités d’activités (sous forme d’atelier d’insertion) pour des personnes sans emplois dans les domaines du maraîchage, du conditionnement et de la livraison de fruits et légumes locaux certifiés en agriculture biologique, produits à destination des particuliers et de la Restauration Hors Domicile.
– Organiser des chantiers participatifs visant l’appropriation d’une conscience sociale par l’action : « je fais, je retiens » : permaculture, agroforesterie, lombricompostage, apiculture…

Nous allons visiter quelques potagers et vergers mis en place par Les Anges Gardins.

 

La mise en récit pour faciliter les projets de transitions

Une dernière visite avant de se remettre en route !  Nous voilà maintenant au Centre Ressource du Développement Durable (Cerdd) qui outille et accompagne les acteurs de la région Hauts-de-France vers de nouveaux modèles de société et les incite à contribuer aux transitions économique, sociale et écologique dans les territoires. Ils vont nous faire découvrir « La Mise en Récits », un outil pour aider les porteurs de projet à définir une stratégie de changement sur le long terme.

La période de transition écologique dans laquelle nous sommes à besoin de nombreux ingrédients : innovation, accélération, transformation, coopération, implication citoyenne, vision partagée de l’avenir…

Notre période est caractérisée par un modèle économique dominant qui freine la transformation du monde. Le récit de ce modèle fut façonné en profondeur et puissamment outillé (marketing, publicités, etc) à tel point qu’il nous entoure, nous domine et nous influence quotidiennement… et finalement brouille notre vision de l’avenir.

Émerge alors la nécessité de contribuer à faire naître des récits alternatifs mettant en visibilité les projets transformateurs. Le récit illustre une trajectoire de développement pour laquelle on comprend les racines, les étapes et l’horizon que l’on vise. Mais c’est aussi une histoire où l’on voit la place de chacun.

La mise en récits des projets de transition couvre un certain nombre de finalités, que l’on peut regrouper en deux fonctions principales :

  • Fonction narrative pour la mise en mouvement : comprendre les ressorts de la trajectoire d’un projet, comprendre et définir ensemble l’horizon que l’on cherche à atteindre, stimuler l’émotion pour mobiliser, construire une ambiance propice à l’émergence d’idées nouvelles ou de coopérations nouvelles.
  • Fonction évaluative : mieux savoir évaluer la valeur que l’on crée ensemble. À ce propos, Julian Perdrigeat, Directeur de Cabinet du Maire à Loos-en-Gohelle indique : « tout ce qui compte ne se compte pas uniquement mais se raconte… ».

C’est sur cette belle note que notre immersion dans cette ville hors du commun se termine. Nous voilà rentré avec l’idée que le changement est possible, Loos-En Gohelle en est un bel exemple !